Stigmates

A un moment donné, même ressortir ma panoplie d’ogresse ne suffit plus à les effacer, ces stigmates que ton amour bancal dépose encore et encore sous ma peau. Ma résistance au mal toujours mise à l’épreuve, dès qu’un semblant d’équilibre se dessine…

Toute la nuit, dans les recoins sombres, ils m’ont passé la pommade de leurs flatteries. J’allais me frotter à eux pour m’en faire un pansement, mais las, la meute lubrique trop prévisible ne m’aide plus à oublier.
Elle s’est extasiée sur mes longues jambes, la jolie jeune femme du vestiaire. Ça, ça m’a fait l’effet d’une caresse. J’avais vraiment osé le très court.
Ils m’ont fait danser. Et les invitations à un after, dans leurs appartements, me donnaient le choix de la situation géographique la plus à même de me rapprocher de la gare de mon retour. Juste une nuit blanche et revenir, hagarde, en sueur. M’épuiser pour me nettoyer de tes mots.
Mais… Qu’on me donne l’envie, merde, l’envie d’avoir envie…
Je souriais, poliment. Un verre d’eau pétillante à la main. L’alcool n’accompagne plus mes dérives.
Ils ne me font plus rire. Seules, les petites attentions désintéressées peuvent encore produire ce « quelque chose » qui titille mon entrejambe. Steeve a « surveillé » mon verre sans que je le lui demande et me vouvoie. Il a repéré mon arrivée, accompagnée de l’ami-à -dreads-de-mes errances, et pense que ses tresses seront peut-être un atout pour me plaire. Sauf que, je suis venue pour oublier, bordel… L’oublier, lui et sa tignasse, lui et ses larges épaules, lui et sa puissance, lui et ses mots vaches, ses mots poignards…
Cette nuit, je suis flemmarde du préliminaire des paroles de circonstances. Je veux sauter l’étape, éviter de me raconter, et de vous, ne rien savoir, puisqu’on ne se reverra pas. Vous êtes simplement mes médicaments, et j’espère juste déceler le bon, l’efficace, derrière vos sourires et vos tirades faussement sucrées.
Beaux oui, vous l’êtes.
Grands et fins, courts et trapus, immenses et larges… Rasés, lockés, tressés, barbus… Rien à dire, je n’ai qu’à choisir…
Mais il est encore là, à gratter mes plaies, les empêchant de se refermer.
« Tu es vraiment sexy ».
Une robe dos nu coupée au ras des fesses il y a 20 ans, et ces plateformes dorées qui font toujours parler. Si facile… Comment les croire? La pénombre floute les défauts, mais, de toutes façons, je donne toujours dans la sophistication minimaliste. L’intello danse collée-serrée en déhanché, et le tour est joué. Et puis, surtout ne jamais me précipiter. L’exigeante qui prend tout le temps de son choix, pas question de me tromper, aucun coup d’essai.
Mais cette fois ci, l’évidence. Soudain, il est là. Lui, d’avant « l’autre ».
Presque 4 ans plus tôt, et il est comme intimidé, malgré une largeur d’épaules encore plus impressionnante que dans mon souvenir.
Souvenirs… Il égrène les siens, si précis, les détails de ma maison, le plan toujours imprimé dans sa tête, et mon regard brûlant d’envie quand il a pénétré mon espace, ma jouissance tsunami quelques minutes à peine après son arrivée.
« Je rentrais d’Asie et j’ai trouvé ton message, juste ton prénom et ton numéro, j’ai cru à une blague… »
Soudain me revient cette folie qui m’animait alors, directe, impudente, audacieuse…
Cette folie que « lui », a baillonnée…
« Tu n’imagines pas le nombre de fois où je me suis fait du bien en y repensant, en allant voir tes photos et lire tes textes… »
Il dit le plaisir de cette surprise, que je sois là, fantôme dans liste des pseudos des inscrites. Je le vois sincère.
K.
Carrure et charisme.
Il ne fanfaronne pas, ne joue pas l’assurance de l’expert, il m’observe, attendant le signe qui dira oui ou non, je peux sentir la caresse de ses yeux, mais de mon côté, je guette aussi l’indice du désir. Alors que les autres proposent toujours trop vite qu’on passe aux « choses sérieuses », l’un des hommes les plus musclés de la soirée m’attend patiemment dans l’ombre…
Il est pourtant mon sauveur, tant, à ce moment précis, en sa présence enveloppante, je savoure de trouver un repère, une balise, une bouée, un phare…
Quand je grimpe jouer la voyeuse dans les étages, il me suit et nos regards s’embrasent dans la moiteur émise par les corps à corps en action. Tels des félins aimantés, nous nous jetons éperdument dans un entrelac violent et ruisselant. Si vigoureux qu’un cercle ébahi se fait autour de nous, composant les limites inviolables de notre arène. Suffoquant de la puissance de nos retrouvailles. Dans un silence de souffles suspendus, nos peaux claquent, s’entrechoquent et se ventousent, la pièce retentit des flocs flocs déclenchés par son large sexe dans mon ventre-Niagara…
Fauves en rut.
Mon cri libératoire.
Sa sueur efface mes plaies.
Je galope sur ses cuisses larges, lancée dans un tournis où je m’oublie…
Jouis..
Jouis…
Jouis…

Plus tard, je lui glisse à l’oreille un « On recommence ? » qui l’éjecte de son fauteuil pour me porter jusqu’à la chambre où on s’enferme…
« Je n’attendais que ça… »
Laissez nous seuls, s’il vous plait les gars !
Encore
Encore
Encore
Jusqu’à un début de sommeil enlacés, bulle rare au coeur de l’orgie.
Un homme puissant et doux, un roc moelleux.
Mes mots peuvent sortir et il dit aimer ça, se souvenir de nos discussions à bâtons rompus entre deux assauts à tous les étages de ma maison.
« N’attendons pas 3 ans pour nous revoir… »
Tu sais, je suis libre, libérée. Et cette nuit, tu as sauvé la fausse assurée.
Mes cicatrices s’estompent.

Je n’ai pas osé lui dire trop vite ma reconnaissance, et surtout mon désir.
4 jours: Il envoie un grand coeur, et je roule le rejoindre. Même envie.

Le bus approche de la Défense. Sur la droite, la sortie vers Saint Germain en Laye. Je me revois… Bruit du clignotant, bientôt arrivée chez lui, « l’autre ». Sauf que maintenant je souris à une nouvelle histoire qui efface mes balafres. Je peux regarder ce panneau et ressentir le soulagement de ne pas en souffrir.
Dans quelques minutes, je monterai les marches de mon rituel d’une pause en haut des marches de l’Arche. Mais cette fois, la photo du moment sera un exorcisme: quelqu’un m’attend !
Et comme un signe, le soleil a repoussé les prévisions pluvieuses.

J’avance vers K.
Sans talons ni robe minimaliste, et pourtant encore plus à découvert. Cette fois ci, sans ecchymoses. Il ne sera pas un médic’amant.
La ré-aventure commence.

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