Vol de nuit

Côté Q, j’en ai vécu des situations folles, drôles, inattendues, intenses, surréalistes et extra-ordinaires. Et j’espère bien que ce n’est pas terminé ! Mais le souvenir de celle-ci me laisse sur ce délicieux flou : comment avons-nous réussi à le faire ?

J’ai baisé à la proue du ferry voguant vers Tanger, dans la grande roue Daikanrasha d’Odaïba à Tokyo, dans des toilettes de gares, de musées et celles de l’aéroport de Hong-Kong, dans ma salle de classe, dans une église, un couvent, un cimetière, sur des plages et sous des porches en plein jour, dans des concerts, dans le désert, dans la brousse au Burkina, sous une cascade en Guinée, sur des toits au Bénin, dans des hôtels de passe au Togo…  À 25 ans, emmenée, avec mon collègue-partenaire, au poste de police à Gao pour avoir été surpris en pleine levrette, dehors, dans la nuit qui nous semblait impénétrable… Le policier cherchant, dans le faisceau de sa torche, les traces de sperme sur la latérite de la place sans réverbère. « Elle a l’air bien heureuse, madame C. ! », répétait-il, guoguenard. Et en effet, sentir que notre frénésie de sexe animait la nuit des agents d’astreinte était particulièrement jouissif. Pensez donc, surprendre deux toubabous copulant dans la nuit qui n’était pas si noire pour tout le monde, ils doivent encore le raconter et s’en amuser…
Mais l’avion, l’avion ! Une sodomie en plein ciel, en pleine nuit, une enculade qui prend son temps, pas pressés, avec la tension incroyable des cris et gémissements à contenir !
Je me souviens avoir douté du sommeil des deux seuls passagers qui pouvaient nous voir…
Mais en effet, toutes les conditions étaient réunies pour le faire, et de façon très confortable, qui plus est !
S’envoyer en l’air, Paris-Conakry. Vol de nuit.

Cet homme-là, c’est ici, sur ce site où des amants se cherchent, que nos routes s’étaient croisées.
S’en sont suivies neuf années de vies parallèles, tumultueuses, intenses et toujours sur le fil du rasoir.
Nos conjoints respectifs « savaient ».
Comme moi, il aimait le continent africain, « eux », nos respectifs, pas du tout. Alors, nous y avons voyagé, chaque année. Guinée-Conakry, pour commencer, juste trois mois après notre rencontre. Burkina-Faso, Bénin, Togo, Mali, Cameroun… « Eux », savaient, mais n’auraient pas pu nous empêcher de fuguer. Et finalement, se disaient rassurés de savoir, si loin, leur moitié accompagnée.

À chaque vol, un rituel lubrique m’imposait robe et jambes nues, sans culotte, plaid pour compléter la couverture fournie. Ses doigts entamaient leur fouille au moment exact de l’accélération de l’avion se lançant sur la piste de décollage. Puis il agitait plus vite et plus fort sa main entre mes cuisses, l’idée étant de me faire atteindre le point culminant du plaisir au moment exact où les roues de l’appareil quittaient le tarmac. Portée par ce bruit caractéristique de crescendo que produit l’engin en prenant de la vitesse, et sur lequel il calquait son mouvement, évidemment que je l’atteignais… Puis glissais dans une douce volupté, au moment même où survient cette sensation de calme cotonneux qui accompagne l’arrivée dans les nuages, quand le bruit s’estompe et devient ronronnement, quand le commandant de bord marmonne son message de check à l’équipage, une fois l’avion stabilisé.

Puis nos ruptures, suivies de reprises. Encore et encore. Jusqu’à un break de 8 mois, suite à des désaccords politiques (!), à l’issue duquel je lui ai envoyé une carte de vœux: « Kribi, Cameroun, es-tu encore assez fou ? »
Il est venu, il était fou, mais ça ne l’était plus assez.
Pour notre dernier voyage, il n’avait pas trouvé de place sur mon vol, me privant de ses doigts dans ma chatte au décollage.

Notre chance extraordinaire de pouvoir baiser tranquillement en plein vol ne s’est présentée qu’une seule fois.
Nous occupions deux places de la toute première rangée de trois, à droite de l’appareil, le troisième siège étant inoccupé. Sur la rangée centrale, une seule personne à notre niveau, un homme, qui, je crois, ne dormait pas. Et juste devant nous, la cloison séparant la classe économique de la business.
Quand les lumières se sont éteintes pour la nuit, nous nous sommes allongés sur le sol, entre nos sièges et la cloison.
Une hôtesse, qui s’était installée, seule, au second rang au centre, nous a souri.
Elle aussi, je pense, a compris.

Sans un mot, serrés en cuillère, il a écarté mes fesses et doucement s’y est faufilé.
À 10 000 mètres au-dessus de la terre, quelque part au-dessus du désert, mon bel amant fou m’enculait et nous retenions nos cris. Prenant notre temps, mais contenant nos mouvements, pour ne pas alerter nos voisins avec des bruits de peaux qui claquent ou celui des tissus froissés… Puis j’ai soudain senti son corps tout entier se tendre, arc annonciateur de ces saccades caractéristiques du bassin qui accompagnent la délivrance en jets puissants…
Il s’est efforcé de taire son essoufflement, tandis que je restais concentrée sur mes sensations millimètrées, me contractant pour tenter de le retenir encore en moi… Puis, petit à petit, j’ai senti sa queue diminuer, ramollir, jusqu’à glisser, quitter doucement mon cul visqueux…
Il a eu ce petit rire étouffé, satisfait et facétieux, encore imprimé dans ma mémoire, et ses bras m’ont serrée plus fort contre son ventre. Totalement détendus, nous pouvions nous endormir, comme il est rarement possible dans cette position, en plein vol.
Pour atterrir, ensuite, pour notre premier voyage africain d’une longue série, auréolés des effluves de notre plaisir en altitude.

Évidemment, qu’à chaque vol dorénavant, j’espère obtenir un siège sur la première rangée derrière la cloison, et que je regarde ce petit espace en y imaginant nos corps encastrés, agitant au ralenti un plaid qui peine à nous cacher.
Et qu’à chaque décollage, je pense à ses doigts provoquant mon geyser silencieux, couverture remontée jusqu’aux yeux…

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