Dis-peau-nible

Feat. Charlelie Couture.

« Vous avez besoin de quelque chose ? »
L’homme qui assurait les entrées, distribuait serviettes, tongues et paréos, tenait également le poste de barman. Plus tard, je le verrai aussi faire des rondes pour vérifier la bonne tenue de la clientèle et passer un coup de raclette dans les douches.
Si vous saviez… Oh oui, j’ai besoin, j’ai besoin, de lui, tellement !

« Quand tes gestes sont lents
Les caresses timides
Quand l’écran allumé
Il n’y a plus d’images mais une lumière bleutée
Et la nuit dans les fentes
Je veux m’enfermer avec toi
M’enfermer avec toi »


M’enfermer, m’enfermer…
Nous nous étions enfermés, ici, dans la cabine, tout au fond. Je n’étais que flaque, sur le matelas en skaïe. Notre reflet dans les miroirs. Ton corps ondulant.
Tu n’as jamais voulu revenir.
Nous y enfermer.

Je n’étais pas venue chercher des queues sur lesquelles m’empaler pour jouer les Walkyries, mais de la peau chaude, brûlante, sur laquelle glisser, me frotter, me fondre, de la peau à renifler, à lécher, à caresser… De la peau luisante, où faire danser mes doigts, dans la moiteur d’une petite cabine nimbée de lumière rouge…
M’enfermer, collée à cette peau.

Non jeune homme, non monsieur, non mais putain de bordel de merde, pas touche à mon cul, j’ai dit ! Vous ne connaissez donc pas les mots magiques?
Soupir…  Cet aprem, les frustrés aux couilles pleines sont de sortie et ne font pas dans la subtilité. Si, au moins, ils me laissaient peinarde suer un bon coup dans le sauna, mais non, faut encore et toujours leur rappeler la fameuse notion de consentement… La garce, en goguette dans la meute de bites à l’air, se voit contrainte de se faufiler en mode ninja, esquivant ici une main au cul, là des masseurs improvisés se précipitant pour livrer un aperçu de leurs talents, un doigt dans la chatte dans le jacuzzi, une bite pile devant mon nez dans le hammam… Tes burnes me cachent la vue, mec !
Pas un seul qui me donne l’envie. L’envie de m’enfermer avec lui… Pas un… Pas de bol…
Je t’en veux, sale connard, de me foutre dans cet état de manque !
Flemme de chercher sur les applis, encore trop chronophages, trop de blablas pour pas grand chose… Ici, au moins, je vois la marchandise, et je peux consommer direct.

Je passais donc successivement du sauna à la douche au hammam, au jacuzzi, au bar… sans succès. Aucun déclic, pas le moindre petit frisson…
Les gars avaient fini par renoncer à m’imposer leurs approches gluantes, ainsi que leurs flatteries affligeantes de banalité, ils « respectaient » mon silence sous mes yeux clos. Tant pis pour le shoot de peau, un sauna à ce tarif, c’était toujours ça de pris, quelle que soit la compagnie.

Et puis soudain, ce colosse.
J’ai pensé que j’aurais bien entré son ratio taille/poids à la moulinette de la formule de Boyd pour comparer sa surface de peau avec la mienne. Au moins du 40% de plus, voire même 50 ? Un géant. Totalement glabre, sauf, peut-être, sous le paréo, bout de tissu minuscule sur un tel gabarit…
Il est entré dans le sauna, s’est assis près de la porte, et de ma place, je pouvais me délecter de la vision de son dos immense, ses épaules si larges, son cou de taureau, son bassin impressionnant…

Des frissons parcourent tout mon corps. Je le veux.
Je le veux de tout son poids sur moi. Je veux me perdre dans l’étreinte puissante de ses bras. Je veux qu’il m’écrase et me réchauffe jusqu’à me consumer. Je veux, je veux…
J’ai coulé jusqu’à lui, légère et shootée de désir, pour lui glisser à l’oreille, dans un chuchotement hoquetant, tant mon trouble me faisait perdre jusqu’à ma voix: je vous veux…
Un fragment de sa peau juste effleurée, j’ai chaviré. Dans un réflexe, il m’a rattrapée et  m’a guidée vers une cabine, nous y a enfermés, à l’abri des curieux-voyeurs.
J’ai gardé mes yeux fermés.
C’était… surnaturel. C’était… comme j’en avais besoin.
Pas un mot, mais de la peau partout, enveloppée, écrasée de douceur, une vague de chair qui glisse, fluide, précautionneuse, attentive. Brûlante.
Son ventre contre mon dos.
Son bassin collé au mien.
Sa tête si large entre mes cuisses.
Sa bouche, comme un gouffre, partout.
Sa queue épaisse en moi, si loin.
Mon visage caressé par ses paumes immenses, je me suis sentie tellement précieuse. Honorée. Oui, honorée.

Sous la douche, il a conclu le magnifique voyage par un indescriptible savonnage-massage.
Et quand il a voulu ouvrir la bouche, j’ai posé mon doigt sur ses lèvres. Chut…
Mes yeux au plus profond des siens, pour la première et la dernière fois, j’ai chuchoté un merci, d’une voix qui m’a surprise. L’expression même de toute ma reconnaissance émue, de la chaleur et de la plénitude qui me remplissaient. Totalement.

Ce jour là, j’avais besoin de peau.

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