Souvenir…Elle

Feat. Francis Cabrel.

Corrida….
23 Mars 2018. Je publiais, me livrais, racontais, conservais. Bientôt 6 années que je sévis ici.
« Est- ce que ce monde est sérieux ? »
Je relis mes premiers textes, mes années folles, me disant que cette folie, que je pensais effacée, est toujours belle et bien là, que la « Secret-Lady » d’alors existe toujours dans celle d’aujourd’hui.
J’en ai poursuivi des fantômes… toutes ces années…

07/05/2018, j’écrivais ce souvenir, d’un an plus tôt.
Je la revois, dans son tee-shirt marinière, derrière son trépied. Je vois le rouge lui monter aux joues, son excitation, son coup de chaud, évident…

Moi, j’avais encore les cheveux courts, et ils n’étaient pas gris.

Il m’avait dit « ce sera une surprise »…
Lui, magnifique grand Antillais aux larges épaules, superbement gâté par la nature, sportif, « libertin » accompli, compagnon de mes jeux irréguliers, toujours particulièrement sensuels et surprenants, depuis alors environ 6 années… Des baises sur le tatami d’un dojo, face au mur-miroir, dans les herbes folles d’une friche sur le port, au vieux sauna décrépi, où il m’abandonnait aux bons soins d’un ami, quand arrivait l’heure où il devait filer afin d’être chez lui avant que sa femme ne rentre, aux chambres d’hôtel où il venait prendre la relève d’un autre sex-partner, à l’improviste dans le studio de son fils parti en vacances ou dans la maison de ses amis pour goûter-jacuzzi… Pat était alors mon alter ego du milieu luxurieux, jusqu’au simple co-voiturage pour nous rendre en soirée, où nous nous amusions chacun de notre côté et débriefions ensuite joyeusement sur la route du retour.

Après-midi de printemps, chambre d’hôtel.
Fébrilement, il surveillait ses messages, quand l’un d’eux l’obligea à me dévoiler son projet : il avait convoqué une autre complice, qui déclarait forfait, mais attendait aussi une jeune photographe, qui souhaitait diversifier son activité en proposant des shootings érotiques. Pat raffole d’être chouchouté par deux gourmandes et il avait imaginé en jouir devant l’objectif d’une troisième. Dommage, c’était loupé pour cette fois, une en moins, et pour compliquer les choses, la photographe s’était perdue en chemin… Famille oblige, le créneau de disponibilité de Pat n’était pas bien large, et je sentais sa déception monter.

L. frappa à la porte, alors que nous êtions en plein ébat, pour patienter, et un peu par habitude, aussi. Jeune femme brune, aux courbes douces, joues rebondies, en jean et tee shirt rayé, baskets… Son allure marquait une distance avec le sujet, sérieuse, et comme occultant son charme, derrière une tenue uniforme tout terrain.
Mais il m’avait lancé un défi : l’intégrer à nos jeux, l’emmener sur « notre » terrain…
Apres s’être excusée du retard pris, elle a installé son matériel tout en nous expliquant sa démarche: elle a déjà photographié nus des femmes, ses amies, et des hommes seuls, recrutés, eux, sur le site libertin, il lui manque des couples, pour lancer une page web et ainsi tenter de trouver des clients pour ces shootings particuliers. Précisant ses choix esthétiques, elle mentionne aussi avoir dû rapppeler aux hommes venus chez elle pour les prises de vues, qu’elle reste derrière l’objectif, ne participe pas, et c’est ce qui s’avère compliqué avec les libertins, excités par la situation, dit-elle. Super, le défi s’avère plus difficile, mais j’ai encore davantage envie de le relever.
Comme moi, elle a fait des études d’art, ce détail participe à nous mettre toutes deux à l’aise, puis lui et moi, nous remettons « en action », avec cette présence étrange, si proche de nous, qui, sans que l’on puisse en déceler la raison, déclenche soudain une prise de vue, après de longs moments sans bruit, comme choisissant un moment particulier pour elle, elle seule… J’écoute le son du déclencheur, essaie de comprendre ce qu’elle cherche, veut, attend peut-être… J’avais imaginé des rafales, mais les déclics sont en fait très rares, comme un photographe posté là en observation, à l’affût d’un instant très précis.
Pat et moi étions très détendus, variant souplement les positions, et fortement excités par la présence de la jeune femme et de son viseur.
Plus tard, elle me confiera que son professeur de photographie, à qui elle montrera son travail, s’étonnera de notre aisance, devant l’objectif…
Quand une pause s’impose, le temps d’une coupe du champagne qu’il a apporté (et c’est bien la première fois que je le vois avoir cette attention-là, d’autant que lui-même ne boit pas !), une tension palpable s’est installée.
L. a les joues rouges, écarlates, en feu, et se sent obligée de se justifier, il fait vraiment chaud dans cette chambre !
Il a évidemment bondi sur l’occasion, mets toi à l’aise !
– C’est excitant de vous voir…
– Viens nous rejoindre !
– Je peux ?
Je m’approche d’elle, elle me fixe, les joues et regard enflammés, et prononce doucement ces mots gravés à jamais dans ma mémoire érotique : « Depuis le début, j’ai envie de t’embrasser… »

Sa bouche est délicieuse, l’odeur de ses cheveux mi-longs si sombres dans son cou gracile m’euphorise…
Je pensais que la beauté et la puissance du corps de Pat la remplirait de désir, mais c’est ma bouche qu’elle réclame…

Elle se déshabille pudiquement dans la salle de bain et, après une douche rapide, nous rejoint sur le lit, où lascivement les caresses nous emportent… Elle, toute à sa surprise que je sois aussi ravie de la voir enfourcher le sexe magnifique de Pat, l’encourageant de mes baisers et caresses sur ses larges hanches larges, qui m’évoquent la féminité exaltée par les peintres baroques…
Elle dira, candide, « Mon premier homme noir », et je me sens heureuse de lui offrir ces « premières fois », qu’elle n’oubliera jamais, trio, noir, femme de beaucoup plus âgée..
J’adore sa peau pâle, moelleuse, sa jeune innocence encore un peu là, son odeur pure et fraîche… Je guide et tout en elle m’absorbe.
Moment souple, fluide, vraiment beau, dans une lumière douce sur draps blancs froissés…
Peau blanche et cheveux sombres, rarement une femme ne m’avait autant émue…
Quand il doit s’enfuir, nous restons toutes les deux, encore, encore un peu, pour quelques baisers, pour encore nous caresser. Puis l’embrasser avec gourmandise sur le parking de l’hôtel, sans me soucier des regards: je sais que nous sommes alors magnifiques, enlacées dans une douceur qui parait modifier la lumière autour de nous…

Elle a photographié le flou de nos sexes emmêlés, capturé le mouvement comme des jets abstraits, son travail est émouvant, sobre, et distancé, aussi.

Nous avons passé une nuit, seules, chez elle, sans retrouver la magie de la première rencontre, sans doute parce qu’elle s’est tout de suite livrée, trop, sa complexité et ses névroses, l’innocence évaporée… Émue de sa confiance certes, mais aussi effrayée par cette porte ouverte. Et puis, j’avais envie d’une femme qui, elle aussi, décide, choisit, montre, et se montre, attrape, investit, envahit, remplit ! Dans notre nuit, il manquait finalement des jouets, à défaut d’un homme.
J’ai eu le sentiment d’être encore ici la prof, pas loin de l’âge de sa mère, et de qui elle attendait une leçon et des séances de confessions.

Pourtant, la magie de ce moment suspendu, dans la belle lumière d’une fin de journée ensoleillée, en semaine, dans la chambre neutre d’un hôtel fonctionnel et bon marché, demeure mon plus beau souvenir au féminin. J’ai encore son odeur dans ma mémoire olfactive, la pulpe de mes doigt se souvient du moelleux de son corps, du grain de sa peau… Je n’ai pas oublié le brûlant de ses joues et le frisson de ma bouche dans son cou, ni mon bonheur de la faire danser, onde si pâle sur le beau corps sombre de mon complice d’alors, qui, sans l’envisager, m’avait fait là son plus beau cadeau.

À Pat et Laure.
Harfleur 2017.

Laisser un commentaire