Le bal des intrigantes


Les lourds parfums capiteux dont elles s’aspergeaient pour, pensaient-elles, se faire remarquer dans la meute de leurs salopes-consœurs, ne pouvaient couvrir la puanteur qui régnait dans le cloaque du Liberty’s club. Des relents d’hypocrisies en tous genres, jalousies, amitiés intéressées, curiosité malsaine, chantage et basses manoeuvres. Une guerre de pseudo-Divas, à la pitoyable gloire éphémère, cachant, en réalité, une effroyable solitude, un besoin de se croire exister, à l’aune d’un sex-appeal de pacotille, quelques compliments sous la triste photo d’un triste cul dans une culotte Shein faisant l’affaire. Y croire, c’est déjà ça… Comptabiliser et comparer scores de kiss et de followers était leur lot quotidien, dans une course opiniâtre au titre de Reine du Cul.
L’arrivée dans le club d’un coq tout frais, pour peu qu’il sache un peu s’exprimer, provoquait instantanément des manigances perfides, des intrigues en tous genres, voire des guerres acharnées ou des crêpages de chignons.
Les coqs se gaussaient, ravis de provoquer ces concours à leurs faveurs. Pour une fois que ça leur arrivait, ils pouvaient bien se délecter de la saveur, même fugace, d’un donjuanisme qui, souvent, leur montait à la tête.
Quand j’ai adhéré au club, des coqs m’ont mise en garde. Méfie-toi des intrigantes ! Ne t’avise pas d’approcher de trop près leurs chouchous, de flirter avec leurs cibles, de baiser avec leurs préférés, de t’attacher à leurs jouets. Me racontant des histoires de vengeances, de coups très bas, d’opérations punitives, pour ôter à la salope en herbe toute envie de retourner rôder autour du coq attitré (du moment) d’une Queen (du moment).
Naïve que j’étais, de croire alors à une possible solidarité féminine du cul… Il suffisait qu’un coq se vante d’être l’objet de mes récits pour que sur moi s’abattent les foudres d’une coquine se sentant flouée. J’ai ainsi été agressée en soirée par une jeune et jolie princesse vexée de découvrir que son chéri m’invitait en week-ends champêtres alors que, jamais, il ne lui avait proposé le moindre restaurant, tout en venant pourtant la remplir deux fois par semaine. En quoi en devenais-je la méchante concurrente à abattre ? « Je ne savais pas qu’il aimait les vieilles »…
Je crois que c’était là leur plus grande vexation, la fidélité décomplexée de leur chouchou à une salope mûre et mariée qui les prend sans intention de plus que ce qu’ils sont : des coqs du Liberty club, des messieurs à croquer sans chercher à me les enchaîner, du cul sans contrat, sans promesses, des histoires sans avenir… qui duraient, justement parce qu’elles n’étaient pas des histoires.
Mais le pire était les tentatives de faire amie-amie afin que je divulgue l’identité de mes héros. Que je « partage », faisant fi de l’indispensable accord des corps et des âmes, inhérent, je pense, au prélude d’un potentiel bel orgasme, au profit d’une triste mécanique du sexe, réglée sur quelques critères de physiques et de pratiques. Ben oui, quoi, nous avons toutes deux apprécié untel, alors, allez, sois cool, file moi le nom de l’étalon généreux que tu évoques dans ton récit !
Quand elles « devinaient », par de subtils entrecoupements, les questions allaient alors bon train, n’est-il pas un peu trop petit, est-il bien performant au moins, bande-t-il convenablement pour les DP ? Échangeons donc nos mâles comme des cartes Pokemon !
Moi, je préfère les liaisons « safe », alors j’évite toutes les « de Merteuil »… Mais elles sont là, puissantes, rusées, et perfides.
Certaines intrigantes esseulées de la cinquantaine passée se révèlent expertes à la chasse aux bons coups des autres.
Et certains coqs jouissent d’être ainsi le gibier convoité, ravis de cet intérêt inattendu sur leur petite personne, provoqué par les recommandations des influenceuses en vogue. Au point d’être surpris que des coquines (oups, des salopes) se refusent à suivre la mode… »Je suppose que vous aimeriez faire comme vos copines? », pérorait l’un de ces élus, vite retombé de son pied d’estale, depuis. Ben non, justement, non. Ce n’est pas parce que j’admire le style, la dégaine et l’écriture des vraies Reines, que je veux les imiter au lit. Admirer ne signifie pas vouloir copier !
Certaines ressentent le besoin d’annoncer à la cantonade avoir été secouées par l’un de ces coq-stars, d’en faire les gros titres, de prétendre ainsi faire partie du club des happy-few (de moins en moins few d’ailleurs) tringlées par ce mec qui, lui, se marre… Son compteur de visites explose, et la groupie espère récolter ainsi un peu de sa gloire…
Oui, il leur faut vite, très vite, publier cette sacro-sainte recommandation, montrer « l’avoir fait », au mieux le ou la premier(e), et accéder ainsi à un éventuel statut V.I.P, engranger des points virtuels qu’ils ou elles imaginent gage de succès…

Je préfère la découverte de pépites encore vierges de notations et d’étoiles en tous genres, et ne pas afficher mon propre « tableau de chasse » à la vue des curieux et curieuses mal intentionné(e)s. J’évite les coqs-stars qui s’empresseraient de clamer m’avoir sautée. (Ils parlent beaucoup, ces vedettes, entretiennent les intrigues, et ne se privent pas, pensant sans doute m’intéresser, de dévoiler les pirouettes pratiquées avec telle ou telle divas…)

Ce jeu-là ne m’excite pas.

Mes amants du Club sont parfois des éphémères, mais le plus souvent restent bien présents dans ma vie. Quand leurs identités se devinent, nous nous amusons de la nuée d’intrigantes voltigeant soudain autour d’eux, certaines allant même jusqu’à leur prétendre être mon amie, imaginant peut-être que ce soit un sésame pour obtenir leurs faveurs. Je ne suis pas jalouse, je démasque facilement qui sont les belles qui s’adonnent à ce jeu. Et les coqs parlent beaucoup…
Qu’ils s’amusent donc ! Et tant pis pour eux s’ils brûlent leurs jolies petites ailes en s’approchant trop près des sunlights, ou leur rétine sur les tenues à paillettes de ces belles…
J’aime les coqs hésitants, les coqs qui débutent, et ceux qui ont un couple à protéger (et le disent), les coqs qui doutent, et les coqs lucides. Ceux qui ne briguent pas l’accès à l’Espace VIP, ceux que la surenchère effraie, ceux qui fuient les liaisons dangereuses… Les tout-petits coqs, pas les coqs amateurs de compèt’.
Alors, oui, je traîne encore dans les recoins du club Liberty, j’observe et jouis en douce, sans même lancer d’appâts, de ces pépites-là, en Lady (pas si) secrète, mais discrète…

Laisser un commentaire